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Le blog de la revue enchantée

Fêter la Saint Martin avec les enfants

Martin est le saint le plus populaire en France. 246 communes portent son nom et plus de 3700 églises sont placées sous son vocable. Et tout le monde connaît au moins une famille Martin !

Rappel biographique

Martin est né en 316, à l’époque gallo-romaine. Il est fils d’un officier romain de haut rang. D’ailleurs, « Mar-tin » veut dire « voué à Mars », le dieu de la guerre. En 334, il est en garnison à Amiens, il a 18 ans, et il partage son manteau avec un mendiant. Mais l’histoire du manteau n’est qu’un épisode de sa vie, parmi bien d’autres.

En mars 354, Martin participe à la campagne sur le Rhin contre les Alamans, il a 38 ans. Chrétien depuis longtemps, il répugne de plus en plus à verser le sang, ce qui, pour un soldat, n’est pas une situation confortable.

Un soir, il va trouver son supérieur et lui renouvelle sa demande de quitter l’armée. L’officier se moque de lui :

— Demain, nous allons livrer une bataille décisive, et c’est juste le moment où tu veux nous quitter !

Pour prouver qu’il n’est pas un lâche, Martin propose de sortir en tête de l’armée romaine, mais sans arme. Et le lendemain, il sort en premier, avec l’avant-garde. En voyant la force qui se dégage de cet homme sans arme, le chef des Alamans préfère se rendre et demande la paix.

En 366, Martin peut enfin quitter l’armée, après 25 années de service. Il a 40 ans et vient à Poitiers auprès de St Hilaire, un des penseurs les plus influents de cette époque.

Célébrité de Martin

Martin a beaucoup voyagé, et très tôt il est célèbre en Gaulle. Ses miracles sont connus : guérisons multiples, résurrection d’un jeune homme, nombreuses conversions à la foi chrétienne… Il avait un don particulier pour apaiser les querelles et réconcilier les adversaires. Il a fondé de nombreux monastères. En 371, les gens de Tours le prirent comme évêque.

Martin meurt le 8 novembre 397 à l’âge de 81 ans. Une légende raconte que des fleurs se sont mises à éclore en plein mois de novembre, au passage de son corps sur la Loire entre Candes et Tours. Ce phénomène étonnant donnera naissance à l’expression « été de la Saint Martin ».

« À la St Martin » !

La fête de St Martin, le 11 novembre, était encore, jusque récemment, très importante dans le calendrier agricole. Les locations de terre se faisaient « à la St Martin » car à ce moment de l’année, tout a été récolté et tous les fruits ont été cueillis. Un champ ou un jardin pouvaient être loués à quelqu’un d’autre. Relisez la pièce de Jules Romain : Le docteur Knock !

« Faire la St Martin » voulait dire : déménager. À cette époque de l’année, il y avait des foires où les ouvriers agricoles pouvaient se louer à un nouveau « maître ». Ils avaient alors trois jours pour changer d’avis.

Tout cela est oublié depuis longtemps, sauf l’histoire du manteau partagé. Et encore, ce n’est que 1000 ansplus tard que cet épisode a été sculpté sur les chapiteaux des cathédrales, et qu’il a inspiré de nombreux peintres.

L’histoire du manteau partagé

En tant que fils de vétéran, Martin avait le grade de circitor. Il était chargé d’inspecter les postes de garde de la garnison, ce qui était une mission de confiance. À ce titre, il était vêtu de la chlamyde blanche que portait tout cavalier de la garde impériale. Le manteau appartenait à l’armée, et il ne devait être ni déchiré ni égaré ! Chaque soldat pouvait, à ses frais, le doubler à l’intérieur par un tissu de laine ou une fourrure.

Il est donc probable que lors de ce fameux épisode aux portes d’Amiens, Martin qui n’avait plus rien à donner à un mendiant, ait détaché la doublure de son manteau et la lui ait donnée. Ce qu’il avait le droit de faire puisque la doublure lui appartenait.

Comme il s’était trop attardé, les portes de la ville étaient fermées. Il trouva refuge dans une auberge voisine. Sitôt couché, il s’endormit. En rêve, le Christ lui serait apparu, vêtu du « demi-manteau » et aurait dit : « Martin m’a vêtu alors qu’il n’est même pas baptisé ».

Plus tard, la tradition a mis cet épisode en lien avec la phrase de l’Évangile (Math 25/40) : « Ce que tu as fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que tu l’as fait » ou dans la bouche des anges : « Écoute Martin, notre frère, ce que le Christ veut te dire : chaque pauvre sur la terre, c’est lui, caché sous la misère. »

En réalité, Martin aurait coupé son manteau non pas dans le sens de la largeur, mais dans le sens de… l’épaisseur ! La vérité est sauve.

La légende du manteau partagé

La légende s’est saisie de cet épisode. Aujourd’hui, tout le monde est persuadé que les officiers romains portaient des manteaux rouges. Et nous ne nous représentons pas Martin défaisant une couture : d’un coup d’épée martial, il tranche son manteau en deux et en donne la moitié. Le geste est quand même plus spectaculaire !

Sacrifice et partage

Pourquoi vénérer quelqu’un qui n’a donné que la moitié de son manteau, alors que nous avons le témoignage de personnes, comme St François, qui ont donné leur manteau tout entier ?

C’est vrai que « l’amour ne compte pas », ne partage pas : il donne TOUT.

Je peux donner quelque chose qui m’est utile, voire précieux et auquel je tiens beaucoup, sans vouloir donner ce qui est indispensable à ma vie. Je peux, par exemple, donner mon sang pour une cause, mais je ne le ferai qu’une fois. Si je donne « un peu » de mon sang, alors ce n’est plus un « sacrifice », c’est un « partage ».

Si la notion de sacrifice est précieuse, le partage est aussi une attitude qui se révèle particulièrement indispensable à la survie de notre humanité. L’image du manteau partagé est très populaire, et grâce à elle, Martin est devenu le saint patron du partage. Sa fête, au début de l’hiver, arrive au bon moment.

La St Martin entre la St Jean et Noël

Parmi les nombreuses représentations de St Martin, je préfère celles où il descend de cheval pour déposer, avec compassion, la moitié de son manteau sur les épaules du mendiant.

Car la St Martin arrive à un moment particulier. Chaque année, du solstice d’été au solstice d’hiver, nous accompagnons le mouvement de la lumière qui descend des hauteurs du ciel jusqu’à notre humble terre.

À la St Jean, en allumant de grands feux pour évoquer la lumière des hauteurs. À la fin septembre, sur l’injonction de St Michel, le chevalier St Georges ne reste pas les yeux au ciel, mais regarde autour de lui pour apporter son aide aux êtres humains. Puis en novembre, arrive Martin qui, lui, descend de son cheval pour se pencher sur un mendiant. Début décembre, St Nicolas marche à pied, à côté de son âne, et distribue fruits secs et friandises pour que nous tenions bon jusqu’à Noël. Alors les bergers trouveront l’Enfant, couché sur de la paille, à même la terre.

La St Martin marque juste le milieu de ce long cheminement.

« Je marche avec ma lanterne… »

Nous pouvons célébrer la St Martin en nous promenant dans la nature, à la tombée de la nuit. Le chemin n’est éclairé que par les lanternes que nous portons. En novembre, il fait déjà bien sombre… La lumière des bougies, cachée dans des fruits évidés, des citrouille creusées ou des lanternes en papier, est l’image de la lumière du soleil qui lutte avec les ténèbres. Et pour les petits enfants, marcher dans la nuit en portant une lanterne, c’est la joie d’affronter l’obscurité avec sa propre lumière, « comme des grands ». Quelle féérie, de voir toutes ces lanternes scintillant dans la nuit comme une grande farandole de lucioles !

Puis nous nous rassemblons autour d’un feu de bois fait de grosses bûches pour qu’il réchauffe bien. Alors, tous ensemble, nous pouvons chanter, et partager une bonne soupe avec des châtaignes grillées.

Cette fête qui nous invite au partage, trouve un écho de plus en plus grand à notre époque où la sur-vie même de notre civilisation est en jeu.

Prendre soin de l’autre, ouvrir son cœur, développer la compassion… sont des qualités que nous voulons développer maintenant. Et Martin nous y invite, par une belle image.

Roger Gandon

Né en 1944, est eurythmiste, pédagogue et conteur. Il écrit des contes pour les enfants et les adultes. Il participe à la rédaction du magazine Fanette et Filipin.

Article paru dans le numéro 30 de Fanette et Filipin.

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