Quand le pape décédait et que le nouveau pape n’était pas encore désigné, on disait que que le saint-siège était « vacant ». Dans les régimes démocratiques, si le président meurt, jusqu’à l’élection de son successeur, on dit que « le pouvoir est vacant ».
« Être en vacance », littéralement, cela veut dire « être vide ». Faisons-nous le vide pour rester creux ? Une expiration non suivie d’une inspiration, cela s’appelle rendre le dernier souffle !
Toute la question est de savoir si nous pouvons rester « en vacance », comme nous disons d’une terre qu’elle est « en jachère ». Nous n’y semons rien pendant un an pour qu’elle se repose et produise plus durant les trois ou quatre années suivantes. Être en jachère un moment pour se reposer, pourquoi pas, mais surtout, ne pas y rester !
Évidemment le mot « vacance » a pris un autre sens en passant au pluriel.
Prendre des vacances, c’est ne plus devoir travailler « comme d’habitude », pouvoir se reposer, réaliser d’autres choses, faire ce que l’on a remis à plus tard ou encore voyager.
Prendre des vacances, c’est arrêter l’enchaînement aveugle des activités trépidantes, prendre du recul, faire le vide, autant de gestes essentiels et vitaux.
C’est un premier pas indispensable, mais nous avons tous ressenti, au moins une fois, le regret de n’avoir pas bien utilisé un moment de disponibilité. Nous pensons alors : j’ai perdu mon temps, je me suis laissé prendre par ceci ou cela, je n’ai pas fait ce que j’avais prévu. Et nous ressentons un vide.
Les professionnels du tourisme ont bien compris ce désir de passer des vacances « enrichissantes ». Ils proposent visites, découvertes, activités, stages, rencontres… Les vacances présentent un véritable intérêt lorsqu’elles nous permettent de renouveler nos énergies, de redonner du sens à notre vie, de nous recentrer, ou d’aller à l’essentiel, vers de nouvelles sources d’inspiration.
Pour les enfants, les vacances d’été, les « grandes vacances », sont très longues. Un camp, une colonie, un séjour ici où là, il reste encore beaucoup de journées « à remplir ».
Certains enfants aiment jouer seuls, se promener, lire… D’autres préfèrent partager leurs jeux avec d’autres enfants : faire des cabanes, courir dans les bois, jouer à cache-cache…
En réalité, ces activités ne sont jamais de simples occupations pour passer le temps. C’est grâce à tout ce qu’ils font et dont ils se nourrissent, que les enfants se construisent, mais les évènements marquants, dont ils se souviendront, sont particulièrement importants.
Notre « égo », ce qui nous permet de dire « moi », est l’ensemble de nos souvenirs. Nous nous identifions aux instants heureux ou tragiques que nous avons vécus, même si certains de ces souvenirs restent inconscients. Si nous demandons à quelqu’un de se présenter, de nous dire « qui » il est, il va nous raconter où il a fait ses études, dans quelle région il a travaillé, et ainsi de suite. Il va rappeler les souvenirs qu’il juge importants pour que nous puissions nous faire une idée de « qui » il est.
D’ailleurs, ceux qui perdent la mémoire perdent leur identité : ils ne savent plus « qui » ils sont.
Les enfants sont en pleine construction. Les moments vécus pleinement restent gravés dans leur mémoire et servent de points de repère : « Tu te rappelles quand nous sommes allés camper près de la rivière ? »
En fait, ce n’est pas la longueur du temps que nous accordons à nos enfants qui compte, mais l’intensité de notre présence. Est-ce que le moment passé avec eux va être si fort qu’il va se graver dans leur mémoire, qu’il va s’ajouter à ce qui fait leur « moi » et le faire grandir ? Une partie de jeu de société en famille, dans une ambiance vraiment ludique, peut rester comme un moment inoubliable !
Jusqu’à sept ans, les enfants aiment imiter ce que font les adultes. Ils aiment beaucoup travailler « comme les grands » : cuisiner avec un adulte, jardiner, bricoler, et tant d’autres choses.
Les activités artistiques sont, par nature, propices à créer des ambiances qui permettent aux enfants de faire des expériences fécondes Dessiner, peindre, modeler, chanter, danser, rire, sont autant d’expériences fondamentales à faire, de mondes à découvrir.
Si, pendant leurs vacances, les enfants vivent chaque jour au moins un moment qu’ils pourront garder dans leur mémoire, leurs journées ne seront pas des temps vides, mais des occasions d’évoluer. Alors leurs « grandes vacances » seront inoubliables !
Pour les adultes, ce sera une grande joie de donner aux enfants des occasions de se construire. Alors, pour nous aussi : être en vacances, quel bonheur !
Roger Gandon, né en 1944, est eurythmiste, pédagogue et conteur. Il écrit des contes pour les enfants et les adultes. Il participe à la rédaction du magazine Fanette et Filipin.
Article paru dans le numéro 41 de Fanette et Filipin.
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