Oncle Martin et tante Jeanne font la sieste et je m’ennuie un peu. Alors, je prends mon chapeau, je pars dans les champs, et je m’allonge dans les grandes herbes.
À ma gauche, un bourdon butine sur des fleurs d’achillée. À ma droite, se dresse un grand chandelier avec de petites feuilles percées de trous que la lumière traverse. Je me redresse sur mes avant-bras et je remarque ses fleurs jaune d’or piquetées de taches brunes. Leurs étamines dressées semblent tournoyer comme de petits soleils. Je me sens un peu étourdi par toute cette lumière. Quelque chose s’agite au cœur d’une des fleurs : est-ce un insecte ? J’approche mon visage. Oh ! C’est un petit personnage habillé de rouge des pieds à la tête : des voiles dorés flottent autour de lui et un bonnet pointu ondule sur sa tête. Il sautille comme une flamme bondissante.
— Qui es-tu ?
— Je suis envoyé par le Roi Salamandre, le maître de la chaleur et du feu, me répond-il en soulevant son bonnet pour un salut espiègle.
— Que fais-tu là ?
— C’est bientôt la Saint Jean, la fête de la lumière et je viens vérifier que le millepertuis sera fleuri à temps : je lui donne chaleur et vigueur car ce sera lui le roi de la fête.
— Le millepertuis ?
— Oui, c’est son nom ou si tu préfères : herbe percée, chasse-diable, fleur d’Hypérion. Millepertuis veut dire « mille trous », mais en fait ce ne sont pas des trous mais des poches à essence et…
— Arrête, tu me donnes le vertige… Et j’éclate de rire car mon petit ami a pris un air sérieux comme un vieux professeur.
Alors il rit à son tour et exécute quelques pirouettes d’une fleur à l’autre en faisant claquer ses petites babouches cramoisies. Puis il s’arrête d’un coup et me regarde :
— N’oublie pas de cueillir le millepertuis à l’aube du 24 juin. Tu garderas ce bouquet toute l’année et il éloignera de toi la tristesse. Sans doute ta tante Jeanne en ramassera-t-elle aussi pour en faire une huile…
— Ah, oui ! Cette huile toute rouge avec laquelle elle m’a massé quand je me suis brûlé…
— Sans doute s’en sert-elle aussi pour cicatriser les plaies et calmer les douleurs de l’oncle Martin, ainsi que pour faire des tisanes avec les fleurs l’hiver, quand on est triste parce qu’il fait gris. Trop de lumière ou manque de lumière, cette plante nous apporte juste ce qu’il faut de douceur et de joie, comme un rayon de soleil.
Et hop ! la petite salamandre a disparu pour poursuivre sa mission.
C’est sûr, je ne manquerai pas de me lever de bonne heure le matin de la Saint Jean et je ramasserai des fleurs de millepertuis. J’en ferai aussi une couronne pour sauter par-dessus le feu.
Françoise Philidet, illustrations Célia Portail
Histoire parue dans Fanette et Filipin N°25. Tous droits réservés.
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