Voici les jours qui s’allongent et nous emmènent doucement vers l’été !
Le soleil brille de plus en plus ardemment… Il atteindra son point culminant à la Saint Jean et ce sera l’occasion de se réunir, de chanter, de danser joyeusement et de raconter des histoires autour d’un grand feu !
Depuis la nuit des temps, les êtres humains fêtent les solstices et les équinoxes, pour affirmer leur lien avec le cosmos. Il nous reste de nombreuses traditions de ces fêtes d’autrefois, comme par exemple sauter le feu à la Saint Jean.
Si nous voulons « ré-enchanter » le monde d’aujourd’hui, il est intéressant de nous souvenir de ce qui se faisait dans les temps anciens et de le comprendre, pour trouver de nouvelles façons de nous relier à la vie du cosmos.
Du 21 décembre au 21 juin, le temps d’ensoleillement grandit. La lumière du soleil atteint son point culminant au solstice d’été, à la Saint Jean, avant de diminuer jusqu’au prochain solstice d’hiver. La Saint Jean n’est pas le début mais le milieu de la saison estivale, c’est son point culminant.
Dans notre école, le matin de la Saint Jean, les élèves de la huitième classe (quatrième de collège) préparent de quoi faire un petit feu. Dans un endroit tranquille, ils rassemblent de la mousse, des branches bien sèches du sapin de Noël de l’an passé, et aussi quelques bûches.
Pourquoi brûler le sapin du précédent Noël ? Noël et la Saint Jean sont en polarité, il est intéressant de le rappeler pour comprendre le lien entre les fêtes de l’année.
À midi (heure solaire évidemment), les élèves et leur professeur allument un petit feu à la lumière du soleil, avec des loupes. Durant l’après-midi, les jeunes gens se relaient pour « veiller sur le feu », une activité qui était sacrée dans de nombreuses traditions, par exemple dans l’Inde antique. Ce long moment est l’occasion de contempler les flammes, d’échanger, de raconter des histoires, de chanter… sans oublier de remettre du bois sur le feu.
À la tombée de la nuit, toute l’école (élèves, professeurs, parents et amis) se rassemble autour d’un grand bûcher. La huitième classe arrive alors, entourant un élève qui porte une torche allumée « au feu du soleil ». Le porteur de torche plonge son flambeau dans le bûcher. Le feu prend peu à peu en grésillant. Puis une flamme monte entre les fagots. Enfin, les flammes se dégagent des branchages, montent vers le ciel, et des escarbilles s’élancent vers les étoiles.
Ainsi, à la Saint Jean, la lumière du soleil remonte de la terre vers les hauteurs, grâce aux humains. Un peu plus tard, quand le bûcher est devenu un gros tas de braises rougeoyantes, les élèves, puis les adultes qui participent à la fête, sont invités, un à un, à « sauter le feu ».
Dans les mystères de l’Antiquité grecque, les maîtres invitaient leurs disciples à se lier à chaque moment cosmique. Au solstice d’été, ils disaient : « Avec amour, reçois la lumière. »
Cette maxime dit beaucoup, en peu de mots. Il ne suffit pas de « s’ouvrir » à la lumière, de l’attendre, de l’accueillir, mais d’aller à sa rencontre activement, « avec amour ».
L’amour est une force, une force chaleureuse. Ce n’est pas une idée, c’est un acte de volonté qui monte du plus profond de notre être. Et quand la lumière s’unit à cette chaleur, elle crée en moi un « espace » où je peux être plus intensément présent à moi-même et aux autres.
Cette maxime est encore plus vraie qu’autrefois. Nous avons conscience de nous-même par notre cerveau qui réfléchit nos pensées. Ce processus de conscientisation n’est pas un début, mais un point d’aboutissement. Nous sommes d’abord conscients de nos perceptions, de nos émotions et de nos sentiments, pour les contenir, les renforcer, les harmoniser. Et notre incarnation est complète quand nous prenons conscience de nos impulsions volontaires et que nous sommes capables de dire clairement ce que nous voulons faire. Dans la vie de tous les jours, comme pour nos projets lointains, n’est-ce pas le plus difficile ?
« Gagner du temps », c’est le maître mot de notre époque, en pédagogie, comme en bien d’autres domaines. Les enfants doivent savoir lire et écrire « le plus vite possible ». Il faut développer très tôt leur intelligence pour qu’ils puissent faire des études brillantes ! Croyez-moi, c’est une fausse piste. Et en sortir, quand c’est encore possible, demande un travail énergique et long.
Pourquoi nous compliquer la vie ? Il est tellement plus favorable, pour les jeunes enfants, de développer d’abord leurs activités sensorielles, les activités du corps physique : équilibre, dextérité, motricité, savoir-faire, endurance. Viendra alors le temps de développer leur sensibilité, puis leur pensée. Et plus tard encore, lorsqu’ils auront atteint l’adolescence, ils pourront « réfléchir » dans leur tête ce qui monte de tout leur être, et prendre conscience de « qui » ils sont vraiment.
La saison d’été nous invite à vivre dehors, à goûter la chaleur bienfaisante du soleil et admirer la beauté du monde. Et traditionnellement, le solstice d’été est le moment de l’année où nous sommes le plus ouverts à la lumière qui tombe des hauteurs.
Cependant, pour accueillir cette grande lumière, sans « décoller », sans partir en extase, il est très important d’être bien reliés aux forces de la terre qui viennent par en-bas, d’être bien « ancrés ».
La tradition de « sauter le feu » à la St Jean, correspond à ce besoin. Quand le feu n’est plus qu’un tas de braises rougeoyantes, nous pouvons le franchir par un léger saut. Ce n’est pas une épreuve sportive, c’est l’occasion de ressentir la chaleur qui se dégage du brasier. C’est une invitation à prendre conscience des forces qui montent de la terre, ces forces de chaleur qui, par nos membres inférieurs, montent jusqu’à notre cœur et peuvent équilibrer en nous les forces de lumière que nous recevons par la partie supérieure de notre corps et par nos sens.
Et si, lors du solstice, nous avons eu la sagesse de poser une question, de faire une demande « aux dieux », trois jours plus tard, à l’occasion de la nuit de la Saint Jean, nous recevrons la réponse.
Enfants et adultes, nous ressentons le feu de notre volonté en allant vers la lumière, et c’est un immense plaisir de « sauter le feu à la Saint Jean ».
Roger Gandon, né en 1944, est eurythmiste, pédagogue et conteur. Il écrit des contes pour les enfants et les adultes. Il participe à la rédaction du magazine Fanette et Filipin.
Chers parents, si vous souhaitez recevoir des nouvelles de Fanette et Filipin, inscrivez-vous !